LES FEMMES ET LES ENFANTS, UNE MAIN-D’ŒUVRE EXPLOITÉE, INVISIBLE ET IGNORÉE.
En général, les historiens parlent peu des femmes. Pourtant, elles sont la moitié de l’histoire.
SANS GASPÉSIENNES, PAS DE GASPÉSIENS !
Pendant que les hommes pêchent, les femmes et les enfants
apprêtent le poisson, le mettent à sécher et veillent à le protéger en cas de pluie. Les épouses et les filles s’occupent également du jardin et des champs, soignent les animaux,
boulangent, préparent des conserves, confectionnent
les vêtements, etc.
Malgré le peu de données portant sur les femmes dans les
registres d’époque, il est possible d’établir des parallèles avec la réalité de communautés côtières d’ailleurs, comme celles de Terre-Neuve par exemple. Or, là-bas, entre 1891 et 1921, on estime que de 33 à 38 % des personnes qui participent à
l’industrie de la pêche sont des femmes.
Comme l’étape du séchage implique énormément de
main-d’œuvre, pas surprenant d’apprendre qu’une moyenne de cinq personnes par famille travaille à la commercialisation du poisson.
Au 19e siècle, l’industrialisation touche toutes les sphères d’activité, partout, y compris en milieu maritime. Avec entre autre conséquence, l’intensification du travail.
Mais l’exploitation de la morue ne se compare que partiellement au fonctionnement d’une usine. Ce commerce dépend en bonne partie de la production indépendante, c’est-à-dire de la production familiale plutôt que du temps échangé aux compagnies contre un salaire. Cette différence dans les rapports entre les industriels et ces pêcheurs a une influence significative sur la qualité du poisson salé séché.
LES FEMMES CONNAISSENT LA VALEUR DE LA PRODUCTION FAMILIALE ; ELLES PRENNENT DONC GRAND SOIN DE LA MORUE DONT ELLES ONT DIRECTEMENT LA RESPONSABILITÉ.
Les prêtres imposent leur autorité morale, notamment par
la confesse, se mêlant de la vie privée des gens,
interdisant la régulation des naissances.
On assiste à une explosion démographique, chaque couple
canadien-français ayant souvent plus de 10 enfants.
Culturellement, la Revanche des berceaux constitue, certes, un acte de résistance face à l’arrivée importante de colons anglophones. Mais elle n’est pas sans conséquence sur le niveau de vie des ménages. L’argent ne fait pas le bonheur, c’est vrai, mais… Pour les familles de pêcheurs, prises dans l’engrenage du système de crédit, la dépendance envers les compagnies rime avec indigence.
L’Église, complice de la haute bourgeoisie, contribue à maintenir la classe ouvrière dans cette grande précarité. Mais les prolétaires du monde entier se réveillent et contestent l’ordre établi.
PASPÉBIAC N’ÉCHAPPE PAS À CE PHÉNOMÈNE.
LES CONDITIONS SONT RÉUNIES POUR UNE RÉBELLION.
...SA GRANDEUR JEAN
ET SES FRÈRES EDMOND ET HECTOR-LOUIS
Le parcours des frères Langevin illustre bien le pouvoir qu’exerce l’Église catholique sur la vie des Canadiens-français au 19e siècle.
Issus d’une famille bourgeoise de Québec, les trois hommes sont très unis, surtout par les valeurs conservatrices
qu’ils défendent.
EDMOND occupe plusieurs postes clés dans le clergé au cours de sa vie. Sa correspondance aide à comprendre sa pensée. Il prêche avec zèle le respect de l’ordre établi.
À propos de la révolte des Métis, il écrit : « …la protection de la société requiert qu’on [leur] imprime de la terreur. » Et au sujet de Louis Riel en particulier, il avoue « [avoir] autant en horreur sa carrière que la fin insensée et impie d’un autre
prétendu patriote [Louis-Joseph Papineau]. » Ultramontain, il s’alarme de « l’esprit d’envahissement laïc » et de cette
« tendance évidente dans les tribunaux civils à empiéter sur les droits de l’Église. » À propos des Libéraux, il dit : « Ce sont des tyrans… qui ont tué l’influence ecclésiastique en Canada ».
Nul doute que ses frères s’inspirent de ses idées.
HECTOR-LOUIS, avocat proche de John A. Macdonald, s’illustre comme père de la Confédération, mais aussi comme un des
principaux architectes du système de pensionnats autochtones
qui vise précisément l’assimilation des Premières nations.
JEAN, évêque de Rimouski de 1867 à 1891, est un émule de
Pie IX et comme lui, il condamne la séparation de l’Église et de l’État. Il s’implique directement dans l’élection de différents
candidats conservateurs, dont Israël Tarte dans le comté de Bonaventure. Comme son diocèse comprend la paroisse de Paspébiac, pas étonnant que son nom soit mêlé
à la rébellion de 1886.
Officiellement, les curés de la région dénoncent
les compagnies anglo-normandes. Mais dans les faits, ils
entretiennent une grande connivence avec les marchands ; ceux-ci versent des dons substantiels aux paroisses, et parfois ils prélèvent même la dime directement du compte des pêcheurs.
Lorsque les événements éclatent en janvier 1886, les prêtres et les maires ont peur. Très peur. Ils écrivent à
« sa grandeur » Jean Langevin.
QUANT AUX REBELS, LE CLERGÉ VEILLE EN PLUS À LES HUMILIER PUBLIQUEMENT EN CHAIRE.
PIE IX
LEUR PAPE
LE PAPE PIE IX, dont le pontificat dura 32 ans (1846-1878),
est une figure marquante de cette histoire.
« Ultra-ultramontain », il fait vigoureusement la promotion de
la position antilibérale et antidémocratique de l’Église.
Le clergé catholique, terrifié par les courants de pensée
progressiste qui émergent, et bien que se méfiant des protestants, n’hésite pas à composer avec eux, car ils poursuivent
un même but : empêcher la dissension.
Pendant la période de l’impérialisme, l’ultramontanisme est au cœur de l’opposition de l’Église catholique au mouvement
des travailleurs et du socialisme.
De plus, les idées de PIE IX sur l’esclavage et la servitude
reflètent bien l’attitude de l’Église catholique, qui privilégie le paradis dans l’au-delà plutôt que le choix et les plaisirs
terrestres, surtout pour les pauvres. Mieux vaut être catholique qu’un être libre ou adéquatement nourri.
La servitude des Paspéyas peut sembler moyennement
regrettable, mais elle est justifiable pour le salut de leur âme.
CYPRIEN LARRIVÉE
CURÉ DE PASPÉBIAC EN 1886
Né à Saint-Octave-de-Métis le 17 août 1843, il est ordonné prêtre à Rimouski le 25 mai 1872. Curé de Paspébiac en 1877.
Il se retire en 1903 et décède à Québec le 11 septembre 1931.
Le curé Larrivée semblait plus sensible à maintenir l’ordre établi qu’aux besoins immédiats de ses paroissiens. À cet égard, il se conformait aux directives de
SA GRANDEUR, MONSEIGNEUR JEAN LANGEVIN.